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Quels éléments pourraient être jugés discriminatoires lors d’un processus d’embauche ?

Dernière mise à jour : 1 sept. 2021


Dans tous les processus d’embauche, les employeurs exigent des informations et font des enquêtes sur les individus qui postulent.


Les articles 10 et 16 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne interdisent spécifiquement à un employeur de discriminer un candidat ou une candidate dans le cadre d’un processus d’embauche.


Il y a discrimination lorsque l’employeur établit une distinction ou exclut un candidat sur la base de l’un des critères énoncés à l’article 10 de la Charte:

la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

Plus spécifiquement, la Charte énonce à l’article 18.1 :

Nul ne peut, dans un formulaire de demande d'emploi ou lors d'une entrevue relative à un emploi, requérir d'une personne des renseignements sur les motifs visés dans l'article 10 sauf si ces renseignements sont utiles à l'application de l'article 20 ou à l'application d'un programme d'accès à l'égalité existant au moment de la demande. 

La protection conférée par l’article 18.1 a été interprétée largement par les tribunaux.


Elle s’étend notamment : aux formulaires de demande d’emploi; aux entrevues relatives à un emploi; aux tests écrits et aux tests pratiques; aux tests psychométriques et aux tests de la personnalité; aux tests médicaux de pré-embauche, ce qui inclut les questionnaires portant sur l’état de santé.


« Le droit d’un employeur d’obtenir des informations du postulant doit être modulé en fonction de l’emploi convoité et des tâches à accomplir [2] ».


Le seul fait de poser une question en lien avec un motif illicite énoncé à l’article 10 de la Charte suffit pour entraîner une violation du droit protégé par l’article 18.1 de la Charte.


Par contre, un employeur pourra justifier une question à première vue discriminatoire s’il démontre qu’elle réfère à des qualités ou aptitudes requises par l’emploi (art. 20 de la Charte) ou qu’elle est utile à l’application d’un programme d’accès à l’égalité existant au moment de la demande.

Il est donc primordial pour un employeur de définir au préalable quelles sont les qualités ou aptitudes requises par l’emploi, et lesquelles de ces qualités ou aptitudes sont spécifiques à l’exercice de cet emploi.


Seules ces caractéristiques peuvent justifier une discrimination dans le but de choisir un employé :

Poser des questions relatives à un motif illicite de discrimination, par curiosité, pour casser la glace ou détendre l’atmosphère ne constitue pas une défense ou une justification à la violation du droit protégé par l’article 18.1 de la Charte.[1]


Dans une décision rendue en 2012, la Cour d’appel a précisé que « le droit d’un employeur d’obtenir des informations du postulant doit être modulé en fonction de l’emploi convoité et des tâches à accomplir [2] ».


Pour un employeur, il est par conséquent impératif d’identifier les compétences et exigences essentielles du poste permettant d’assurer minimalement l’exécution sûre et efficace du travail. C’est à partir de celles-ci qu’il pourra ensuite dresser la liste des qualités ou compétences qui constitueront des critères de discrimination dans le processus d’embauche.


Afin d’évaluer ces qualités et compétences, l’employeur demandera au candidat un CV, le questionnera en entrevue, fera des vérifications de ses antécédents judiciaires, exigera parfois un bilan médical ou encore lui fera passer des tests psychométriques.


Ces tests utilisés en contexte d’embauche mesurent les habiletés cognitives, la personnalité, les valeurs ou les motivations. Toutes ces mesures ont un lien avec la performance à l’emploi (Barrick et Mount 1991, Rothmann et Coetzer 2003, Bertua Salgado 2005).


Selon une étude publiée dans la revue du Barreau, « 63,6 % [des entreprises] indiquent que le choix des tests est basé sur une analyse de poste récente, ce qui est conforme aux enseignements de la jurisprudence et de la doctrine. Or, il demeure que 36,4 % des répondants affirment ne pas se fonder sur une analyse de poste récente pour faire le choix des tests psychométriques, ce qui soulève des inquiétudes [2] . »


[1] Commission des droits de la personne, Me Véronique Edmond, L’application et l’interprétation de l’article 18.1 de la charte des droits et libertés de la personne, 2016.

[2] Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867 (CanLII), par. 69.



Tests psychométriques et entrevue


Il est important d’utiliser les tests psychométriques conjointement avec d‘autres processus de sélection, tels qu’une entrevue structurée ou une évaluation du CV du candidat.


L’administration d’un test psychologique pourrait être contestée : si le candidat qui accepte de répondre à un tel test n’est pas clairement informé de l’objectif poursuivi par le test, de ce que l’on cherche à mesurer; si lors de la passation du test des questions discriminatoires sont posées au candidat; si l’utilisation et l’interprétation des résultats du test ne sont pas en lien avec les qualités ou les aptitudes requises pour l’emploi.


En contexte d’entrevue, le recruteur se doit d’être extrêmement prudent quant au type de questions posées. Voici un exemple de décision rendue par la Commission des droits de la personne :

Lors de l'entrevue, l'employeur a posé plusieurs questions au sujet de la religion musulmane, abordant les restrictions religieuses que des candidats musulmans avaient relativement au travail dans certaines entreprises. Le Tribunal des droits de la personne, dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Systématix Technologies de l'information inc. - 2010, s’est dit d’avis qu’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le plaignant se serait sentie obligée de répondre, et que ses réponses ne témoignaient pas de la renonciation au droit prévu à l'article 18.1 de la Charte.

Le juge a ajouté que la preuve que de telles questions sont posées au moment de l'entrevue suffit à établir une atteinte au droit protégé à l'article 18.1, sans égard à leur utilisation à d'autres fins, à l'exception de deux situations, soit lorsque de telles informations sont nécessaires pour évaluer une aptitude ou une qualité requise par certains emplois ou quand elles sont utiles à l'application d'un programme d'accès à l'égalité en vigueur au moment de la demande.


CONCLUSION


Les recruteurs doivent être prudents relativement aux actions qu’ils entreprennent ou aux questions qu’ils posent lors d’un processus d’embauche.


Une analyse détaillée des qualités ou des aptitudes requises pour un emploi devrait toujours être effectuée avant le processus d’embauche. Seuls ces critères peuvent servir à discriminer entre deux candidats.


L’utilisation de tests psychométriques doit toujours se faire en lien avec les qualités ou aptitudes requises pour un emploi et doit être combinée avec d’autres éléments avant de prendre une décision d’embauche.


Paul Goldman, CPA-CA, MBA IRP éditeur 514 382-3000 paul@irpcanada.com

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