Le vendeur performant en 2025 : au-delà du cliché, la boussole des Big Five
- Paul Goldman, éditeur
- il y a 2 minutes
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On a longtemps décrit le bon vendeur comme une personnalité solaire, à l’aise en société, intrépide et convaincante. Cette image n’est pas fausse, mais elle est incomplète.
Dans les organisations où les cycles d’achat s’allongent, où les comités décisionnels se multiplient et où l’expérience du client influe sur sa rétention, la performance n’est plus l’apanage d’un profil caricatural. Elle repose sur un assemblage précis de dispositions et de compétences adaptatives que l’on peut décrire, objectiver et développer.
Le modèle des Big Five – ces cinq traits de la personnalité que sont l’Extraversion (E), la Conscience/Conscienciosité (C), la Stabilité émotionnelle (S), l’Ouverture (O) et l’Agréabilité (A) –, sur lequel s’appuie l’IPLC, offre une grammaire utile pour passer du cliché à l’action. L’intérêt n’est pas de « classer » les vendeurs, mais de relier des comportements observables à des résultats d’affaires, pour outiller le coaching.
Mais à quoi ressemble, concrètement, cet alignement des profils et de la performance dans le domaine de la vente ?
Un optimisme… qui sait compter (S ↑, E ↑)
Pour un vendeur, l’optimisme n’est pas un slogan, c’est une manière d’interpréter les événements. Les refus répétés ne sont pas « la fin de l’histoire », mais des signaux qu’il faut ajuster le message, la cible ou le canal.
La Stabilité émotionnelle (S) — c’est-à-dire une propension moindre à l’anxiété, à la rumination ou à la tristesse — soutient cette lecture pragmatique des aléas. Elle permet de transformer l’incertitude en plan d’action plutôt que de voir ses efforts s’y dissoudre.
L’Extraversion (E), quant à elle, facilite la relance : elle est synonyme d’énergie relationnelle et se traduit par une assertivité mesurée, la capacité à revenir vers un interlocuteur sans lourdeur.
Optimisme et chiffres cohabitent. On ne « croit » pas à son produit : on en défend la valeur, on recode les pertes, on recadence les suivis. L’optimisme professionnel consiste à mettre la probabilité du succès de son côté.
La sociabilité adaptée, ou l’extraversion contextuelle (E ↑ bien canalisée)
Oui, les vendeurs qui prennent plaisir à l’échange possèdent un atout. Mais l’époque exige plus que du bagout. Il s’agit d’ajuster l’intensité et le registre à la situation : présentiel ou visio, comité technique ou décideur économique, courriel de synthèse ou conversation exploratoire.
L’Extraversion (E) « utile » ne se mesure pas au nombre de mots prononcés, mais au ratio écoute/parole qui permet de cartographier besoins, contraintes et critères de décision. Le professionnel extraverti performant sait instaurer un climat propice à la découverte, puis poser calmement la question décisive : « Qu’est-ce qui vous permettrait d’avancer aujourd’hui? »
La conscience comme socle de fiabilité (C ↑)
La Conscienciosité (C) est le meilleur allié d’une vente consultative. Elle ne se réduit pas au sérieux ou à la ponctualité; elle se manifeste dans la préparation (hypothèses, questions, preuves), la gestion des priorités, l’hygiène CRM, la clarté des prochaines étapes. C’est elle qui transforme une bonne réunion en momentum, puis en décision.
S’il existe un dénominateur commun aux vendeurs performants, c’est bien cette capacité à promettre sobrement, à livrer exactement, à documenter rigoureusement. Les clients achètent la solution; ils réachètent la fiabilité.
Résultats ET valeur pour le client : la double focalisation (C ↑, A ↑ équilibrée)
« Faire du chiffre » est nécessaire, « créer de la valeur perçue » est vital. L’orientation résultats soutenue par la Conscience (C) se matérialise en comportements quotidiens mesurables : nombre d’ouvertures, de découvertes qualifiées, de démonstrations, de propositions, de décisions. Mais la performance durable suppose de faire concorder l’indicateur clé de performance (ICP) interne et l’impact côté client.
L’Agréabilité (A), comprise comme la capacité à coopérer, à rechercher des solutions gagnant-gagnant et à préserver la relation, agit ici comme un garde-fou : elle évite de pousser un client à signer au prix d’une promesse intenable ou d’une concordance douteuse. Un A trop faible peut produire de l’âpreté; un A trop fort mènera le vendeur à hésiter à poser des questions difficiles. Un équilibre entre les deux permet d’être clair sur les limites tout en restant orienté solution.
Détermination et assertivité bienveillante (E–Assertivité ↑, A en équilibre)
La détermination ne se confond pas avec la pression. Elle consiste à oser la relance, à traiter les objections sans surréagir, à demander une décision lorsque le moment est venu. Cette assertivité, sous-dimension de l’Extraversion (E), protège aussi le temps de chacun : « Voilà ce que nous proposons comme prochaine étape; qui doit être autour de la table et quelle date visons-nous? » Trop d’assertivité, et le client se braque; pas assez, et le dossier s’éteint doucement. Là encore, l’Agréabilité (A) joue le rôle d’amortisseur relationnel, en maintenant la qualité du lien tout en avançant vers un oui – ou un non clair, souvent plus sain qu’un « peut-être » perpétuel.
Confiance en soi et crédibilité, deux faces d’une même pièce (S ↑, E ↑)
La confiance en soi, c’est accepter sa légitimité de conseiller; la crédibilité, c’est l’asseoir sur des preuves. Cas d’usage, références, éléments chiffrés, démonstrations sobres : la crédibilité s’accumule. Une Stabilité émotionnelle (S) suffisante protège de la surréaction quand on ne sait pas répondre immédiatement; on assume un « je reviens vers vous » sans se dévaloriser. L’Extraversion (E) aide à porter le message avec clarté. Le danger? La surconfiance – quand l’aisance fait promettre l’impossible ou ignorer un risque de livraison. Le cadre du « C » (Conscience) ramène alors à la discipline : promettre ce qui peut être livré, rien de plus, rien de moins.
Persévérance intelligente : varier l’angle, pas seulement la cadence (C–Autodiscipline ↑)
Persévérer ne signifie pas répéter. Les vendeurs qui « tiennent la distance » orchestrent des suivis qui apportent de la valeur : une note de synthèse, une estimation d’impact, une étude de cas pertinente, un court mémo technique. L’Autodiscipline, facette de la Conscience (C), permet de maintenir cette qualité dans la durée. Le plan de suivi n’est pas une superstition numérique (« relancer trois fois »), c’est une suite d’occasions d’aider le client à décider. La persévérance devient alors un signe de professionnalisme.
Sens des responsabilités et éthique : la promesse tenue (C ↑, A ↑)
Assumer ses résultats, analyser ses écarts, demander une rétroaction, partager ce que l’on apprend du terrain : voilà un marqueur culturel puissant. L’éthique commerciale n’est pas une coquetterie; c’est le ciment de la confiance, interne comme externe. Dans les organisations complexes, on ne vend pas « contre » le produit ni « malgré » la mise en service du produit. On vend « avec » les équipes qui livrent. Un haut niveau de Conscience (C) soutient la rigueur des engagements; une Agréabilité (A) suffisante nourrit la coopération inter équipes et la loyauté envers le client.
Stabilité émotionnelle et régulation : garder l’accès aux signaux faibles (S ↑)
Les cycles de vente sont parfois bousculés : priorités qui changent, budgets qui s’effritent, commanditaires qui mutent. La Stabilité émotionnelle (S) évite deux écueils : le découragement rapide qui sabote la suite, et la réactivité impulsive qui altère la relation. En pratique, cela se traduit par des routines de préparation (agenda mental, clarification de rôles), une hygiène d’anticipation (scénarios A/B) et une présence calme en réunion. On ne « gomme » pas l’émotion; on lui laisse sa place sans lui abandonner le volant. Cette régulation protège la qualité de l’écoute – et donc la pertinence des réponses.
Ouverture et curiosité : comprendre avant de convaincre (O ↑)
L’Ouverture (O) ne signifie pas « tout accepter ». Elle désigne une curiosité structurée, tournée vers le contexte du client : métier, ICPs, contraintes réglementaires, trajectoire technologique. L’Ouverture nourrit des hypothèses que l’on teste par des questions claires plutôt que d’imposer une solution standard. Elle permet aussi d’apprendre vite : nouveaux secteurs, nouveaux interlocuteurs, nouvelles objections. Les professionnels ouverts ne dispersent pas leur énergie; ils relient les signaux pour formuler une proposition qui a du sens dans l’écosystème du client.
Créativité et résolution de problèmes : coconcevoir la décision (O ↑, C ↑)
La créativité utile en vente ne consiste pas à « inventer » une promesse sur mesure qui sera ingérable pour les équipes. Elle consiste à transformer les objections en atelier de coconception : versions d’offre, pilotes, phasages, clauses de sortie, critères de succès. L’Ouverture (O) amène l’imagination; la Conscience (C) en garantit la faisabilité. C’est cette tension féconde – imaginer sans dénaturer, aménager sans diluer – qui fait passer d’un blocage à un accord viable.
Et l’Agréabilité, au juste?
On la réduit parfois à la gentillesse. En réalité, l’Agréabilité (A) régule la coopération : empathie, recherche d’un terrain commun, respect des points de vue. En excès, elle évite le conflit et retarde les conversations difficiles (budget, moment propice, critères d’exclusion). En déficit, elle créerait des frictions inutiles. L’enjeu est d’articuler A avec E (oser demander, oser recadrer) et C (tenir le cadre), pour rester à la fois clair et constructif.
De la mesure à la gestion : comment utiliser l’IPLC
L’IPLC (Wally ) n’est pas un verdict, mais une carte servant de guide. Utilisé correctement, il aide à transformer des tendances de personnalité en plans d’action concrets :
Diagnostic partagé. On relie les scores obtenus pour chaque trait à des comportements observables : préparation, conduite de la découverte, suivi, gestion des objections, qualité des prochaines étapes. L’entretien devient une analyse de pratiques, pas une spéculation psychologique.
Coaching ciblé. Le vendeur montre une E élevée mais une C fluctuante? On travaille la discipline CRM, les listes de vérification pré-réunion et la sobriété des engagements. Il présente une S plus basse? On met en place des routines de régulation et des scripts de relance qui sécurisent l’action. Il a plutôt une O forte mais peu encadrée? On balise la créativité pour éviter les exceptions non livrables.
Complémentarité d’équipe. Tous les rôles ne demandent pas le même cocktail de traits psychologiques : performer dans la prospection de clients requiert un profil différent de celui nécessaire pour le développement de comptes, la vente complexe ou la gestion de partenaires. La diversité des profils, cartographiée par l’IPLC, devient un levier d’allocation des dossiers et de mentorat croisé.
Ce que l’on gagne à sortir des stéréotypes
D’abord, de la justesse : on cesse de confondre charisme et compétence. Ensuite, de la durabilité : on privilégie des comportements qui construisent la confiance et réduisent la rotation des clients (perte et gain de clientèles). Enfin, de l’équité : on reconnaît des voies multiples vers la performance au lieu d’imposer un moule unique.
Les Big Five de l’IPLC offrent un langage commun pour parler de ce qui compte vraiment : comment nos équipes transforment l’incertitude en décisions, sans sacrifier la relation avec le client sur l’autel de l’objectif trimestriel.
Au fond, vendre en 2025, c’est maîtriser l’art de la double focale : tenir l’objectif et faire grandir la relation. L’Extraversion bien utilisée ouvre les portes, la Conscience les franchit proprement, la Stabilité émotionnelle garde le cap, l’Ouverture ajuste la solution, l’Agréabilité protège la coopération.
La personnalité ne scelle pas le destin, elle indique le chemin le plus économique pour progresser. Mesurée avec l’IPLC(Wally) , elle devient un outil de gestion : une boussole qui aligne nos efforts sur ce qui crée, durablement, de la valeur pour le client et pour l’entreprise.
