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L’intelligence est-elle universelle ? Ce que les cultures nous révèlent


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Dans un monde où la mobilité internationale est en croissance et où les candidats issus de cultures diverses participent aux processus de sélection, il est crucial de s’interroger sur deux aspects fondamentaux :


1. La culture influence-t-elle notre conception de l’intelligence ?

2. Les tests de QI sont-ils culturellement biaisés ?


Lorsqu’on cherche à l’appréhender à travers différentes traditions culturelles — occidentale, africaine et orientale —, on constate que l’intelligence ne se réduit pas à une définition universelle.


Ces conceptions variées soulèvent des enjeux majeurs en contexte de recrutement, d’évaluation psychométrique et d’inclusion professionnelle.


La conception occidentale : adaptabilité et cognition abstraite


En Occident, l’intelligence est souvent associée à la réussite scolaire et professionnelle, à la rapidité cognitive, à la pensée logique et à la capacité d’abstraction. Cette conception s’est largement développée au 20e siècle dans des sociétés hautement technologiques, bureaucratisées et individualistes.Les tests de QI (comme le WAIS, le CFIT ou le WISC) reposent sur cette vision, valorisant la mémoire de travail, le raisonnement logique et les compétences verbales.Robert Sternberg, psychologue américain, soutient que cette approche met surtout l’accent sur l’intelligence analytique, au détriment de l’intelligence pratique (savoir-faire) et de l’intelligence créative, toutes deux essentielles dans de nombreuses cultures non occidentales.


La conception africaine : intelligence sociale, pragmatique et contextuelle


Bien que l’Afrique soit un continent pluriculturel, certaines tendances communes émergent. Dans plusieurs sociétés, l’intelligence est étroitement liée à la sagesse, à la responsabilité sociale et au comportement approprié dans la communauté.Serpell (1993) a montré qu’en Zambie, les enfants perçus comme « intelligents » par leurs enseignants ne sont pas toujours ceux perçus ainsi par leur famille. À l’école, on valorise la logique abstraite ; à la maison, l’intelligence est associée à la compétence sociale, la coopération et la bienveillance.De nombreuses cultures africaines ne valorisent pas la rapidité de réponse, souvent essentielle dans les tests de QI occidentaux, mais la réflexion, la prudence et la capacité à prendre des décisions harmonieuses pour le groupe.


La conception orientale : sagesse et relations sociales


Dans les traditions confucéenne et bouddhiste, l’intelligence est un processus de transformation intérieure. Elle combine l’effort intellectuel, le développement moral et l’équilibre émotionnel.– Le confucianisme valorise l’intelligence comme un effort constant d’autoperfectionnement, le respect des normes sociales et la capacité à entretenir des relations harmonieuses.– Le bouddhisme y ajoute une dimension de non-attachement : une personne véritablement intelligente est humble, centrée sur l’essentiel et libre d’ego.Cette vision implique que le tempérament, le comportement en groupe, l’intention morale et la capacité à rester calme face à l’adversité sont des signes d’intelligence aussi importants que les capacités logiques ou verbales.


Vers une intelligence plurielle : les points de convergence


Malgré leurs différences, plusieurs constantes émergent :Résolution de problèmes : Occident, Orient, AfriqueConnaissances (savoir, culture) : toutes les culturesCompétences sociales et relationnelles : Afrique, OrientAutonomie, jugement moral : Orient, AfriqueCommunication verbale claire : Occident, AfriqueCela porte à croire que l’intelligence est à la fois cognitive, sociale, morale et contextuelle, et que toute tentative de mesure standardisée devrait en tenir compte.


Les tests de QI sont-ils culturellement biaisés ?


Oui, dans une certaine mesure. Même les outils les plus réputés comme le WAIS-IV, le CFIT ou le Raven’s Progressive Matrices, bien qu’ils visent la neutralité culturelle, reposent sur des prémisses cognitives issues de la culture occidentale :– Attentes quant à la rapidité d’exécution– Pensée abstraite valorisée– Langue et symboles codifiés culturellement– Absence de validation dans plusieurs groupes ethnoculturels Berry (1981) et d’autres chercheurs en psychologie interculturelle ont montré que les scores aux tests standardisés varient significativement selon le contexte culturel, même à des niveaux cognitifs comparables.Cela soulève des enjeux d’équité lorsqu’on utilise ces outils pour des décisions de sélection, d’immigration ou d’orientation professionnelle.


Implications en milieu de travail


1. Recrutement international : Un test unique ne reflète pas toujours les capacités réelles des candidats issus de milieux culturels différents.2. Diversité cognitive : Des formes d’intelligence plus collaboratives, contextuelles ou morales peuvent être sous-évaluées si l’on se limite à une vision analytique.3. Équité dans la sélection : Adapter les outils ou intégrer des approches mixtes (tests + entrevue structurée + mises en situation) permet une évaluation plus juste.


Conclusion : repenser l’intelligence pour mieux inclure


La conception que nous avons de l’intelligence façonne les outils que nous utilisons, les personnes que nous sélectionnons et les talents que nous développons.Comprendre les variations culturelles dans la définition de l’intelligence n’est pas un luxe anthropologique : c’est une nécessité professionnelle, éthique et stratégique dans un monde de plus en plus interculturel.


Références


Berry, J. W. (1981). Culture and cognition: Readings in cross-cultural psychology.

Cocodia, E. A. (2014). Indigenous conceptions of intelligence: A cross-cultural comparison.

Serpell, R. (1993). The significance of schooling: Life-journeys in an African society.

Sternberg, R. J. (1985). Beyond IQ: A triarchic theory of human intelligence.

Sternberg, R. J., & Grigorenko, E. L. (2004). Intelligence and culture: How culture shapes what intelligence means, and the implications for a science of well-being.


 
 
 
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