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Paul Goldman, éditeur

Avez-vous le sentiment d’être un imposteur ?


Certaines personnes ont la conviction persistante de ne pas mériter leur succès. Malgré des signes objectifs de réussite, elles pensent être incompétentes, et tromper en cela leur entourage. Ce sentiment s’accompagne de la peur d’être un jour démasquées et que ne soit dévoilée leur « vraie nature ».


Ces individus présentent ce qu’on appelle « le syndrome de l’imposteur », une forme pathologique de modestie, et les conséquences négatives sur leur santé et leur travail sont nombreuses.

Un syndrome répandu


Le syndrome de l’imposteur n’est pas un diagnostic psychiatrique. C’est un phénomène psychologique courant dans le monde professionnel et privé. Le sentiment d’insécurité et de doute de soi que ressentent bien des gens peut les conduire à se sous-estimer et à se croire incompétents, malgré leur expérience et leurs compétences réelles.

Selon Harvey (1981), tout individu pourrait se percevoir un jour comme un imposteur, du moment où il éprouve des difficultés à internaliser ses succès. Rares sont les personnes compétentes qui ne ressentent pas ce sentiment d’imposture (Kets de Vries, 2005; Young, 2011).


Selon certaines études, 62 à 70 % de gens seraient amenés à douter un jour ou l’autre, ne serait-ce qu’une fois, de la légitimité de leur statut ou de leur succès (Clance, 1985; Gravois, 2007; G. Matthews & Gibbs, 1985).


Au sein de la population en général, ce sont 20 % des individus qui souffriraient chaque jour du syndrome de l’imposteur (Cromwell, Brown, Sanchez-Huceles et Adair, 1990). [Source : Chassangre, 2016.]


Qu’en est-il de vous ?


Signes caractéristiques et comportements révélateurs


Les psychologues Pauline Clance et Suzanne Imes (1978) ont été les premières à identifier le syndrome chez des femmes dont les carrières professionnelles étaient pourtant marquées par la réussite. Contrairement à ce qu’on croyait originellement, ce syndrome serait en fait présent aussi bien chez les hommes que chez les femmes.


Pour Harvey et Katz (1985), trois signes caractéristiques indiquent qu’une personne souffre du syndrome de l’imposteur :

1) elle a la conviction de berner les autres quant à ses capacités;

2) elle attribue sa réussite personnelle à des facteurs autres que ses capacités (comme la chance ou une erreur d’évaluation);

3) elle craint d’être démasquée comme étant un imposteur.


D’autres signes sont une anxiété élevée, une faible estime de soi, l’autodépréciation et la banalisation des réalisations. On observe aussi souvent des schémas d’attentes élevées, de perfectionnisme, de procrastination et de doutes injustifiés quant à ses propres capacités.

Selon la connaissance qu’on a aujourd’hui du syndrome, quatre comportements en révéleraient la présence chez quelqu’un.


Le premier comportement est la rapidité d’exécution et le travail sans relâche. Bien qu’il s’agisse de traits communs à tous les individus persévérants, les personnes souffrant du syndrome de l’imposteur travaillent sans relâche de peur d’être considérées comme des imposteurs. Elles cherchent constamment à compenser ce faux retard intellectuel lié à leur perception de l’écart entre leur intellect et la compétence qui leur est attribuée par les autres.


Le deuxième comportement consiste à se conduire comme un imposteur, c’est-à-dire à porter un masque. Les individus qui ont le sentiment d’être des imposteurs ne parleront pas de leurs véritables sentiments ou idées; ils diront ce qu’ils pensent que leurs supérieurs ou leurs pairs veulent entendre ou attendent d’eux. En adoptant sciemment la posture de l’imposteur, ils espèrent paradoxalement éviter d’être démasqués.


Le troisième comportement fait appel au charme et à la perspicacité pour s’attirer les faveurs de ses supérieurs. L’imposteur fait généralement tout pour que ses pairs et ses professeurs le reconnaissent comme une personne d’exception. Il tente ainsi de gagner leur cœur pour justifier, à ses propres yeux, sa valeur. Il veut que son supérieur le soutienne et le rassure sur ses capacités, dans l’espoir que cela l’aidera à prendre confiance en ses propres capacités.


Le quatrième comportement est celui de la modestie. Cette dernière est la meilleure attitude à adopter aux yeux d’un imposteur. Si la personne souffrant du syndrome évite de montrer sa confiance en soi, personne ne pourra remettre en cause son intelligence ou ses idées. En s’autodépréciant, elle cherche ainsi à éviter les conflits et les confrontations.



Causes probables


Les études scientifiques reconnaissent deux facteurs principaux favorisant le syndrome de l’imposteur : la personnalité, qui est un facteur individuel, et l’environnement familial, qui constitue un facteur contextuel.


Le premier facteur à considérer est la personnalité des individus. En effet, certains traits de personnalité semblent liés au syndrome de l’imposteur (Sakulku et Alexander, 2011). Ainsi, les personnes plutôt introverties et présentant un niveau élevé de névrosisme (tendance à être émotionnellement instables, à rencontrer des difficultés à gérer leurs émotions, à facilement se sentir anxieuses ou déprimées) auraient plus tendance à vivre avec le syndrome de l’imposteur.


Les personnes ressentant ce sentiment d’imposture présenteraient aussi une peur accrue des évaluations négatives (Thompson et collab., 2000) ainsi qu’un perfectionnisme les amenant à penser qu’elles doivent atteindre la perfection afin de recevoir la reconnaissance d’autrui (Ferrari et Thomson, 2006), bien qu’elles soient paradoxalement sujettes à la procrastination pour faire face à leur anxiété (Chassangre et Callahan, 2017). [Source : Benneto, 2023.]


Le syndrome de l’imposteur peut également être encouragé par des éléments contextuels (Feenstra et collab., 2020). L’environnement familial dans lequel a grandi une personne peut contribuer plus tard à sa tendance au perfectionnisme et influencer le rapport qu’elle entretient avec la réussite. Cet environnement est tout à fait en mesure d’affecter la vision qu’un individu a de lui-même et d’influencer la façon dont il vit, pendant l’enfance et plus tard à l’âge adulte, la réussite et l’échec, de même que l’importance qu’il accorde au regard d’autrui (Thompson, 2004).


Les comportements parentaux surprotecteurs (contrôle et protection excessive de l’enfant ; Want et Kleitman, 2006) ainsi qu’un environnement familial valorisant à outrance la compétition et la réussite (Dinnel et collab., 2002) joueraient vraisemblablement un rôle dans le développement d’un futur syndrome de l’imposteur.



Se libérer du sentiment d’imposture


Pour vous libérer du sentiment que vous ne méritez pas les honneurs et que vous n’en faites jamais assez, la première étape est de prendre conscience que vous vivez le syndrome de l’imposteur. Certaines questions pourront alimenter votre réflexion à ce sujet :

· Reconnaissez-vous vos réussites ?

· Posez-vous un regard bienveillant sur vous-même ?

· Vous dévalorisez-vous systématiquement face aux autres ?

· Ressentez-vous le besoin de vous comporter en superhéros ?

· Êtes-vous capable de sortir de la vision du tout ou rien lorsque vous accomplissez une tâche ?

· Avez-vous l’impression de toujours travailler plus fort que vos collègues ?


Prendre le temps de vous interroger sur certains de vos comportements et certaines de vos croyances vous aidera à entamer cette démarche.


Si vous vous reconnaissez dans le portrait fait dans ce texte des personnes souffrant du syndrome de l’imposteur, nous vous invitons à entrer en contact avec un coach, un conseiller d’orientation ou un psychologue pour approfondir votre réflexion et trouver un accompagnement professionnel.



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