L’intelligence est-elle écrite dans nos gènes?
- Paul Goldman, éditeur
- il y a 6 jours
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Une question qui fascine… et dérange
Peut-on hériter de l’intelligence de nos ancêtres? Voilà une question qui ne laisse personne indifférent. Car derrière cette interrogation se cache une inquiétude très humaine : sommes-nous limités par notre ADN ? Ou, au contraire, pouvons-nous développer nos capacités grâce à l’effort, l’éducation et un environnement stimulant ?La science moderne, en particulier la génétique cognitive, nous offre des réponses de plus en plus précises, et parfois inattendues. Dans ce billet, vous découvrirez comment la recherche éclaire le lien entre intelligence et génétique, et pourquoi cette compréhension est essentielle en psychométrie, en recrutement, en orientation ou encore en éducation.
Ce que notre ADN révèle vraiment (et ce qu’il ne dit pas)
L’intelligence, dans sa définition psychométrique, est un facteur général (g) qui résume la performance d’un individu dans une grande variété de tâches cognitives : mémoire, raisonnement, vitesse de traitement, compréhension, etc.Mais quelle part de cette performance est influencée par nos gènes ?Depuis des décennies, les études sur les jumeaux, les familles et les enfants adoptés ont montré une chose : l’intelligence est modérément à fortement héréditaire, avec une héritabilité qui augmente avec l’âge (≈ 50 % chez l’enfant, jusqu’à 70–80 % à l’âge adulte).Cela signifie qu’une part importante des différences d’intelligence entre individus s’explique par leurs différences génétiques. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’intelligence est « déterminée » à la naissance.
L’étude qui a changé la donne : Deary et al. (2011)
En 2011, une étude dirigée par Ian Deary et ses collègues a franchi une étape majeure. À partir de données issues de 3 511 adultes non apparentés, les chercheurs ont analysé plus de 549 000 variations génétiques (SNP) réparties dans le génome.Leur constat ?– 40 % de la variation de l’intelligence cristallisée (liée aux connaissances et à l’expérience)et
– 51 % de la variation de l’intelligence fluide (capacité à résoudre des problèmes nouveaux)pouvaient s’expliquer par ces marqueurs génétiques communs.Les chromosomes les plus longs expliquaient d’ailleurs davantage de variance, ce qui appuie l’idée que l’intelligence est hautement polygénique c’est-à-dire influencée par une multitude de gènes, chacun avec un effet très faible.
Une carte n’est pas le territoire : ce que l’héritabilité ne dit pas
Attention cependant : une forte héritabilité ne signifie pas que l’environnement est sans importance.L’effet Scarr–Rowe, par exemple, montre que chez les enfants issus de milieux socioéconomiquement défavorisés, l’héritabilité est plus faible. Dans ces cas, c’est leur environnement, différent de celui des autres enfants, qui joue un rôle plus important.Autrement dit, plus l’environnement est enrichi, plus les différences génétiques peuvent s’exprimer. À l’inverse, dans un environnement restrictif, même un fort potentiel peut rester inexprimé.
Ce que cela change pour les psychométriciens et les RH
Comprendre l’héritabilité de l’intelligence permet de mieux :– interpréter les scores aux tests d’aptitudes,– nuancer les attentes par rapport aux trajectoires cognitives,– personnaliser les stratégies d’apprentissage ou d’intégration,– détecter le potentiel caché au-delà des résultats scolaires ou du CV.Cela ouvre la voie à une psychométrie plus humaine, qui tient compte des prédispositions sans jamais nier l’importance des parcours de vie.
La génétique, un point de départ, pas une destinée
En d’autres mots, oui, la génétique influence notre intelligence. Mais elle n’écrit pas notre destin. Elle constitue un point de départ, prédisposant à certaines potentialités, que l’environnement peut atténuer, renforcer ou rediriger. Pour les professionnels de l’évaluation, des RH, de l’orientation ou de l’enseignement, cette connaissance est un levier : elle permet de penser au-delà des chiffres, de mieux comprendre les écarts, et de valoriser à la fois le potentiel et la plasticité de chaque individu.
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