Prédire et mesurer le potentiel de conduite agressive chez un individu à partir de ses traits ?
Dernière mise à jour : 1 sept. 2021
La conduite agressive est un phénomène mondial qui atteint une proportion presque épidémique.
Près de 8 conducteurs sur 10 aux États-Unis ont eu au moins un comportement de conduite agressive au cours de l'année 2016, selon un sondage publié par la Fondation de l'AAA pour la sécurité routière.
Nos comportements au volant sont exacerbés par le stress et les contraintes de temps de la vie moderne. Les routes de plus en plus encombrées et congestionnées provoquent également des sentiments de frustration et sont responsables de cas de conduite agressive et de non-respect des autres conducteurs, tels que l'utilisation illégale de l'accotement, le changement de voie sans indication et le louvoiement sur la route.
Pour comprendre ce phénomène, nous devons déterminer quels éléments incitent les conducteurs à ressentir de la colère et à exprimer de l'agressivité au volant.
Le modèle de personnalité à cinq facteurs
Une récente étude de Jovanovic et collab. en 2016 propose de déterminer comment le modèle de personnalité à cinq facteurs (Big Five) peut prédire le comportement agressif pendant la conduite.
Les chercheurs ont émis l'hypothèse que le névrosisme est corrélé indirectement avec la conduite agressive par la colère, alors que les autres traits sont directement liés à la conduite agressive.
De nombreux facteurs psychologiques sont en jeu dans la conduite agressive et beaucoup peuvent s'avérer difficiles à contrôler. Les êtres humains sont naturellement enclins à la territorialité et ont tendance à voir leur véhicule comme une extension de leur domaine personnel. Ils se sentent menacés par d'autres véhicules et réagissent agressivement ou par instinct de protection[1].
Étant donné que l'erreur humaine a été identifiée dans une proportion significative comme la principale cause des accidents de la circulation (Evans, 1991), les chercheurs ont commencé à étudier les aptitudes des répondants pour la conduite automobile en lien avec leurs traits de personnalité.
[1] UNECE, Agressive driving behavior, 2004.
Malgré la richesse de la littérature, les aptitudes pour la conduite (temps de réaction, vitesse perceptuelle, attention, intelligence fluide) et les traits de personnalité (stabilité émotionnelle, responsabilité sociale, maîtrise de soi, volonté de prendre des risques) avaient souvent été étudiés isolément, alors que, considérés ensemble, ils pourraient indiquer une prédisposition aux accidents et prédire la capacité à conduire.
« L’homme conduit comme il vit. » C’est ce qu’ont déclaré les psychiatres canadiens Tillman et Hobbs.
Un conducteur agressif est un individu généralement agressif dans la vie
La théorie qui postule qu'un conducteur agressif est un individu qui est généralement agressif dans la vie de tous les jours (Lennon, Watson, Arlidge et Fraine, 2011) est une position qui bénéficie d'un certain soutien empirique.
On a constaté que les mesures de conduite agressive sont fortement corrélées avec les mesures d'agressivité générale (par exemple Rotton, Gregory et Van Rooy, 2005 ; Van Rooy, Rotton et Burns, 2006).
Les résultats à certaines études suggèrent par ailleurs que les conducteurs traités pour leur comportement agressif sont caractérisés par une prévalence élevée de troubles antisociaux (Galovski, Blanchard et Veazey, 2002).
Chaque conducteur est, de temps à autre, exposé à des situations d'agression sur la route, mais tous les conducteurs ne se comportent pas agressivement dans la même mesure envers les autres usagers de la route. Certains auront tendance à internaliser leur frustration, alors que d’autres vont l’externaliser par des comportements agressifs.
Le comportement lors de la conduite, comme le comportement humain en général, est influencé par des facteurs environnementaux et des tendances individuelles (Jovanovic et collab., 2016).
Stabilité émotionnelle et conduite automobile
Les traits névrotiques comme se sentir anxieux ou nerveux, exprimer de la colère ou de l’hostilité, éprouver un sentiment de dépression et être impulsif ou vulnérable sont tous en lien avec la conduite automobile agressive.
Il est important de noter que l’obtention de scores élevés relativement au névrosisme n’équivaut pas à être « névrotique » dans un sens clinique. Cependant, de tels scores prédisent une capacité d’adaptation médiocre, des changements d'emploi fréquents et un sentiment d'épuisement (John et collab., 2008).
Selon John et collab. (2008), l'extraversion et le névrosisme représentent les deux dimensions les plus universellement acceptées dans le cadre de la personnalité à cinq facteurs et ce sont ces deux facteurs qui sont les plus liés au problème de la conduite agressive.
Jovanovic et ses collaborateurs (2011) ont mené une étude auprès de 260 conducteurs serbes afin d'étudier l'effet des cinq traits de la personnalité sur le comportement au volant. Ils ont découvert que le névrosisme prédisait un comportement agressif et que cet effet était dû à la colère du conducteur.
Extraversion et conduite émotionnelle
Un lien fort existerait entre l’extraversion et l’externalisation des comportements agressifs. Benfield et ses collaborateurs (2007) ont trouvé que des scores élevés relativement à l'extraversion étaient associés à une conduite agressive autodéclarée.
Dans une méta-analyse de 47 études sur la relation entre les traits du modèle des Big Five et les accidents, Clarke et Robertson (2005) ont aussi identifié l'extraversion comme prédicteur valide et généralisable des accidents de la circulation.
Mesurer le potentiel de conduite agressive
Un nouveau test (DRIVER) sera publié en 2018 par IRP afin d’aider les professionnels du recrutement à identifier les chauffeurs présentant des risques potentiels de conduite agressive.
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